Object storage vs block storage : les différences concrètes à connaître pour un usage cloud efficace

Dans les environnements cloud modernes, le choix du système de stockage est une décision stratégique. Object storage et block storage sont deux modèles fondamentaux qui répondent à des besoins radicalement différents. Derrière ces appellations techniques se cachent des concepts structurants pour la performance, la scalabilité, la résilience et le coût d’une infrastructure cloud. Mal les comprendre, c’est risquer de construire des architectures inefficaces, instables ou coûteuses à maintenir.

Object storage : une approche distribuée pensée pour les données non structurées

L’object storage repose sur une logique de stockage décentralisée. Chaque fichier est encapsulé dans un « objet », qui comprend non seulement les données elles-mêmes, mais aussi un ensemble riche de métadonnées personnalisables et un identifiant unique. Ces objets sont stockés dans des « buckets », sans hiérarchie classique de type dossier/sous-dossier.

Scalabilité horizontale et distribution géographique native

L’un des principaux atouts du stockage objet réside dans sa scalabilité horizontale native. Contrairement au block storage, il ne nécessite pas de redimensionnement manuel. On peut y stocker des pétabytes de données sans altérer les performances, car l’architecture sous-jacente est conçue pour répartir les objets sur des nœuds multiples, souvent répartis géographiquement.

Les fournisseurs cloud comme AWS, Google Cloud ou Azure proposent tous des solutions de stockage objet (Amazon S3, Google Cloud Storage, Azure Blob Storage), qui intègrent des fonctionnalités de réplication multi-région, de versioning, de lifecycle management et de politique d’accès granulaire via des ACL ou des politiques IAM.

Idéal pour les données froides, les médias et les archives

Ce modèle est parfaitement adapté aux cas d’usage suivants :

  • Stockage d’assets web (images, vidéos, documents)
  • Archives longues durées (compliance, backups, snapshots)
  • Contenu non structuré en accès occasionnel ou asynchrone
  • Données de machine learning ou de data lakes

L’object storage est également utilisé comme backend pour des systèmes de Content Delivery Network (CDN), ce qui permet une distribution rapide des contenus à travers le monde, avec une latence minimale.

Limitations pour les workloads exigeants en IOPS

Ce type de stockage n’est en revanche pas adapté aux applications nécessitant des IOPS élevées ou des lectures/écritures très fréquentes. Les objets sont accessibles via des API RESTful (HTTP PUT/GET), ce qui introduit une latence réseau incompressible. Il ne permet pas de modifier partiellement un fichier : tout changement nécessite de réécrire l’objet en entier.

Block storage : structure rigide mais performante pour les workloads critiques

À l’inverse, le block storage fonctionne selon un paradigme très proche des disques durs traditionnels. Les données sont découpées en blocs de taille fixe (souvent 512 octets ou 4 Ko), qui sont individuellement adressables. Ces blocs sont ensuite regroupés pour former des volumes virtuels, attachés à des machines virtuelles ou des conteneurs comme des disques classiques.

Performances optimisées pour les bases de données et les systèmes de fichiers

Le block storage est conçu pour répondre aux besoins des applications critiques qui exigent des lectures et écritures rapides, avec une faible latence. Il est idéal dans des contextes tels que :

  • Bases de données relationnelles (PostgreSQL, MySQL, SQL Server)
  • Machines virtuelles (OS + fichiers applicatifs)
  • Applications transactionnelles à forte intensité d’I/O
  • Systèmes de fichiers distribués ou haute disponibilité (ex : Ceph, GlusterFS)

Chaque volume peut être formaté avec un système de fichiers classique (ext4, NTFS, XFS…) et monté comme un disque local sur l’instance. Il est aussi souvent compatible avec des solutions de snapshot, de sauvegarde à chaud et de redimensionnement à la volée.

Une gestion fine mais plus complexe

L’un des inconvénients du block storage est sa rigidité en termes d’architecture. Chaque volume est généralement attaché à une seule instance à la fois (sauf configurations spécifiques comme les volumes partagés), ce qui limite la souplesse d’accès.

La gestion de la capacité nécessite une anticipation des besoins, et les redimensionnements ne sont pas toujours dynamiques. De plus, le block storage ne bénéficie pas nativement de la distribution multi-région ou de la réplication automatique. C’est à l’utilisateur ou à l’application de mettre en place ces mécanismes de résilience.

Comparaison technique : object vs block, cas d’usage par cas d’usage

CritèreObject StorageBlock Storage
AccèsAPI HTTP/HTTPS (REST)Accès bas niveau type disque
ModèleDonnées + métadonnées + ID uniqueBlocs de données adressables
ScalabilitéIllimitée, horizontaleLimitée par instance/volume
PerformanceLatence plus élevéeLatence faible, IOPS élevés
Cas d’usageArchives, médias, logs, backups, data lakesBases de données, VMs, apps critiques
DisponibilitéRéplication automatique (multi-AZ/région)Dépend de la config de l’infrastructure
FormatagePas de système de fichiersRequiert un FS (ext4, NTFS…)
Modification des donnéesImpossible partiellementLecture/écriture sur blocs individuels

Vers une architecture cloud hybride : complémentarité plutôt qu’opposition

Les environnements cloud modernes ne se contentent plus d’un seul modèle. Les architectes cloud combinent object et block storage pour tirer parti de leurs forces respectives. Par exemple, une application SaaS pourra stocker ses fichiers utilisateurs (PDF, images) en object storage, tout en conservant sa base PostgreSQL sur un volume block pour assurer rapidité et fiabilité.

De plus, les solutions de tiering automatique permettent de migrer des données « chaudes » vers du block storage haute performance, puis de les basculer vers du stockage objet à mesure qu’elles deviennent moins fréquemment utilisées. Cela permet d’optimiser les coûts sans sacrifier la performance.

Les infrastructures Kubernetes s’intègrent aussi à ces deux modèles. Le block storage est souvent utilisé pour les volumes persistants (PV) rattachés aux pods, tandis que le stockage objet sert de backend pour des services de fichiers distribués ou de gestion de contenu.

Maîtriser les subtilités pour optimiser ses coûts et ses performances

Le choix entre object et block storage ne doit jamais être arbitraire. Il dépend de l’usage précis, du profil d’accès aux données, des contraintes de latence, de résilience attendue et de la stratégie de croissance.

Les ingénieurs cloud et DevOps doivent non seulement connaître ces modèles, mais aussi comprendre leurs limites, les meilleures pratiques de sécurité associées (chiffrement au repos/en transit, contrôle d’accès granulaire) et les implications budgétaires sur le long terme.

Dans un monde où les volumes de données explosent, faire les bons choix de stockage peut faire la différence entre une architecture agile, performante et économique… et une infrastructure rigide, coûteuse et difficile à maintenir.